Les billets d'humeur d'Eric
Episode 1
Bonjour à vous, qui consultez le site de l'association "Voler avec lui", porté par l'incroyable énergie de Cécile, la maman de Valentin, dont j'ai été le pédiatre en oncologie pédiatrique, puis malheureusement en soins palliatifs.
Cécile m'a récemment demandé d'écrire un billet d'humeur pour son site.
Il m'est apparu comme une évidence que je devais écrire sur la consultation d'annonce (ayant réalisé moi-même cette consultation pour les parents de Valentin).
En effet, pratiquant une médecine moderne, qui a trop souvent tendance à se perdre dans de hautes sphères scientifiques (que de temps passé à récupérer des analyses de biologie moléculaire, cytogénétiques, pharmacocinétiques et j'en passe !), il est particulièrement utile de se souvenir de la base de toute pratique médicale: la relation humaine.
Le moment appelé "consultation d'annonce" est très codifié dans notre service d'oncologie pédiatrique, mais en résumé, il s'agit d'un médecin et d'une infirmière, qui reçoivent les parents d'un enfant, pour leur expliquer la grave maladie qui lui a été diagnostiquée, les initier aux principes du traitement qui va être entrepris et leur proposer tout le soutien nécessaire pour traverser au mieux cette terrible épreuve (par exemple psychologique, éducatif, socio-économique).
C'est un moment redouté pour tout soignant, mais également le moment qui peut lui être le plus gratifiant.
Le soignant le redoute car il s'agit d'une relation interpersonnelle, donc par définition peu contrôlable. Les parents vont-ils s'effondrer, rendant le temps de parole inutile (car rien ne pourra se fixer dans leur esprit terrassé par la terrible nouvelle) ? Arriverons-nous à orienter l'échange vers les points essentiels à retenir, ou allons-nous nous perdre dans des questions secondaires, avec le risque d'induire une confusion supplémentaire ? Allons-nous également tenir moralement face à la détresse parentale (car la distanciation professionnelle est, je vous l'avoue, de l'ordre du mythe) ?
Ce moment peut heureusement (et je pense personnellement qu'il le devrait à chaque fois) être gratifiant pour les soignants, car c'est le moment clef du démarrage de la prise en soins. S'il ne l'est pas, c'est qu'une maladresse, une erreur de jugement ou d'appréciation s'est glissée dans le temps de parole, et il faut la rattraper au plus vite pour qu'une relation de confiance puisse s'établir.
C'est donc de mon expérience, de cette pratique en équilibre instable, à la façon d'un funambule isolé sur son câble, que je vais vous entretenir au fil de ces billets.